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Une collaboration de recherche nord-américaine à grande échelle a permis de découvrir comment l’ordre des charges et la supraconductivité cohabitent à l’échelle nanométrique.
L’émergence de la supraconductivité est liée aux ondes de densité de charge, des électrons se comportant comme des vagues.
La supraconductivité à haute température est en quelque sorte le Saint Graal des scientifiques qui étudient les matériaux quantiques. Les supraconducteurs, qui conduisent l’électricité sans dissiper d’énergie, promettent de révolutionner nos systèmes énergétiques et de télécommunication. Cependant, les supraconducteurs fonctionnent généralement à des températures extrêmement basses, ce qui nécessite des congélateurs élaborés ou des réfrigérants coûteux. C’est pourquoi les scientifiques s’efforcent de comprendre les mécanismes fondamentaux à la base de la supraconductivité à haute température, dans le but ultime de concevoir et d’élaborer de nouveaux matériaux quantiques supraconducteurs fonctionnels à température ambiante.
Fabio Boschini, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), et des scientifiques nord-américains ont étudié la dynamique du supraconducteur oxyde d’yttrium-baryum-cuivre (YBCO). Il offre une supraconductivité à des températures supérieures à la normale, par diffusion résonante en temps de rayons X au laser à électrons libres Linac Coherent Light Source (LCLS) – SLAC (États-Unis). Cette recherche a été publiée le 19 mai 2022 dans la prestigieuse revue Science. Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont pu suivre la façon dont les ondes de densité de charge dans l’YBCO réagissent à une « extinction » soudaine de la supraconductivité, induite par une impulsion laser intense.
« Nous apprenons que les ondes de densité de charge – des électrons auto-organisés se comportant comme des vagues dans l’eau – et la supraconductivité interagissent à l’échelle nanométrique sur des échelles de temps ultrarapides. »
Fabio Boschini, co-investigateur de ce projet et chercheur affilié au Stewart Blusson Quantum Matter Institute (Blusson QMI)
« Il existe un lien très profond entre l’émergence de la supraconductivité et les ondes de densité de charge », résume-t-il.
« Jusqu’à il y a quelques années, les scientifiques sous-estimaient l’importance de la dynamique à l’intérieur de ces matériaux », explique Giacomo Coslovich, chercheur principal et membre du personnel scientifique du SLAC National Accelerator Laboratory en Californie. « Jusqu’à ce que cette collaboration soit mise en place, nous ne disposions pas vraiment des outils nécessaires pour évaluer la dynamique des ondes de densité de charge dans ces matériaux. La possibilité d’examiner l’évolution de l’ordre des charges n’est possible que grâce à des équipes comme la nôtre qui partagent leurs ressources, et grâce à l’utilisation d’un laser à électrons libres pour offrir un nouvel aperçu des propriétés dynamiques de la matière. »
Avec à une meilleure image des interactions dynamiques qui sous-tendent les supraconducteurs à haute température, les scientifiques ont bon espoir de pouvoir travailler avec des physiciens théoriciens pour développer un cadre permettant une compréhension plus nuancée de l’émergence de la supraconductivité à haute température.
Les travaux actuels sont le fruit d’une collaboration entre des scientifiques de plusieurs centres de recherche et lignes de faisceaux de premier plan. « Nous avons commencé à réaliser nos premières expériences à la fin de 2015 avec la première caractérisation du matériau au Centre canadien de rayonnement synchrotron, explique Boschini. Au fil du temps, le projet en est venu à impliquer de nombreux chercheurs du QMI de Blusson, comme MengXing Na que j’ai encadrée et initiée à ce travail. Elle a fait partie intégrante de l’analyse des données. »
« Ce travail est significatif pour un certain nombre de raisons, mais il montre aussi vraiment l’importance de former des collaborations et des relations durables et significatives. »
MengXing Na
Elle souligne que certains projets prennent beaucoup de temps et que « c’est grâce au leadership et à la persévérance de Giacomo que nous en sommes arrivés là. »
Le projet a permis de relier au moins trois générations de scientifiques, en suivant certains d’entre eux tout au long de leur carrière postdoctorale et jusqu’à leur entrée dans le corps enseignant. Les chercheurs sont impatients d’approfondir ces travaux en utilisant la lumière comme un bouton optique pour contrôler l’état d’activation et de désactivation de la supraconductivité.
L’article « Enhanced charge density wave coherence in a light-quenched, high-temperature superconductor », par les by S. Wandel, F. Boschini, E. H. da Silva Neto, L. Shen, M. X. Na, S. Zohar, Y. Wang, S. B. Welch, M. H. Seaberg, J. D. Koralek, G. L. Dakovski, W. Hettel, M.-F. Lin, S. P. Moeller, W. F. Schlotter, A. H. Reid, M. P. Minitti, T. Boyle, F. He, R. Sutarto, R. Liang, D. Bonn, W. Hardy, R. A. Kaindl, D. G. Hawthorn, J.-S. Lee, A. F. Kemper, A. Damascelli, C. Giannetti, J. J. Turner et G. Coslovich, a été publié le 19 mai dans la revue Science. L’étude a, entre autres, reçu le soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI).