Avec la hausse des températures, le pergélisol se réveille. Autrefois gelé en permanence, ce sol se dégrade et relâche le carbone qu’il a enfermé pendant des milliers d’années. Le professeur Jérôme Comte, expert en diversité et en fonction microbienne, étudie l’effet de ce dégel sur les écosystèmes.
Pergélisol, Île Bylot. Photo : Isabelle Laurion
Le dégel des sols s’accompagne d’une croissance de la végétation arbustive, qui capte le carbone de l’atmosphère sous forme de CO2. Le professeur Comte, sa postdoctorante Anne Ola ainsi que les professeurs Florent Dominé de l’Université Laval et Daniel Fortier de l’Université de Montréal s’intéressent à l’influence de cette croissance végétale sur le bilan carbone et sur les communautés microbiennes que l’on trouve dans les sols. « Nous essayons de comprendre comment l’arbustisation, c’est-à-dire l’augmentation des arbustes, influence la dynamique du carbone en matière de qualité et de quantité. Cela nous permettra de prévoir la séquestration du carbone dans le haut de l’Arctique dans le cadre du climat futur », souligne la postdoctorante.
Même si l’équipe en est encore à la phase d’analyse de données, elle suppose que la présence de plantes augmenterait la quantité de carbone contenu dans le sol de surface, ce qui aurait éventuellement des répercussions sur la diversité et l’activité des communautés microbiennes.
Le rôle de la végétation
« En théorie, la présence de plantes devrait influencer le type de composés organiques présents, qui diffèrent dans leur niveau de dégradabilité. Certains sont très persistants à la dégradation microbienne et contribuent au stockage du carbone dans le sol. D’un autre côté, les composés facilement dégradables sont consommés, et les gaz à effet de serre (GES) sont libérés comme sous-produit », explique Anne Ola.
Connectivité terrestre et aquatique
Le professeur Comte s’intéresse aussi au rôle des processus microbiens des sols sur les émissions aquatiques de GES, un projet réalisé en collaboration avec la professeure Isabelle Laurion, spécialiste en écologie aquatique de l’INRS, et des chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. « Notre projet alliera les analyses microbiologiques et biogéochimiques des sols adjacents aux mares des paysages pergélisolés de l’est du Canada afin de définir les principaux mécanismes de contrôle des émissions de GES, encore incompris en partie », rapporte le chercheur.
Grâce à un échantillonnage sur le terrain et à des expériences en laboratoire, l’équipe souhaite caractériser les relations entre les communautés microbiennes, la matière organique et les flux de GES le long des gradients sol-eau. Sa recherche portera principalement sur le pergélisol continu à l’île Bylot, au Nunavut, et sur le pergélisol sporadique discontinu près de Whapmagoostui-Kuujjuarapik, au Nunavik. L’équipe pourra ainsi définir les mécanismes contrôlant ces éléments en isolant le rôle de la nature chimique de la matière organique des sols, de la quantité de cette matière et du transport de microbes terrestres vers les écosystèmes aquatiques.
« Cette étude permettra de comprendre les mécanismes clés qui régissent les émissions arctiques de GES, potentiellement applicables à d’autres systèmes affectés par le dégel du pergélisol sur la planète. Nous pourrons ainsi améliorer les prédictions concernant les rétroactions du pergélisol face au réchauffement climatique », conclut le professeur Comte.