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Une avancée dans la lutte contre le VIH et d’autres infections virales grâce à des molécules innovantes 

3 juillet 2025

Mise à jour : 2 juillet 2025

L’équipe du professeur Charles Gauthier explore le potentiel des saponines, un groupe de molécules naturelles présentes dans de nombreuses plantes.

professeur Charles Gauthier et son équipe

Des molécules innovantes et non toxiques développées par une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pourraient mener au développement de nouveaux agents thérapeutiques de prévention ou de traitement antiviraux efficaces et sûrs. 

Existe-t-il des composés naturels qui possèdent des propriétés antivirales, notamment contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui cause la maladie du SIDA? Depuis longtemps, l’acide bétulinique est connu comme tel dans les milieux médical et scientifique. Cette molécule, présente dans plusieurs plantes, se trouve aussi en grande quantité dans les écorces de bouleau blanc, un résidu courant de l’industrie forestière.  

Cependant, son utilisation et celle de certains de ses dérivés comme médicaments se butaient jusqu’à maintenant à une limite majeure :  ces molécules ne se dissolvent presque pas dans l’eau. Cela réduit leur capacité à être absorbées par l’organisme et rend difficile leur administration en médecine. 

Or une découverte de l’équipe du professeur à l’INRS Charles Gauthier, membre et co-directeur de l’Unité mixte de recherche INRS-UQAC en santé durable, pourrait contribuer de façon très significative à tirer tout le potentiel de cette molécule. Leurs travaux ont fait l’objet de deux articles* qui ont été publiés dans la revue Chemistry – A European Journal.  

Créer une molécule prometteuse et inédite  

Dans le cadre de ses recherches, l’équipe du professeur Gauthier a étudié deux molécules naturelles : l’acide bétulinique et l’acide échinocystique. Celles-ci appartiennent à une famille de composés appelés « triterpènes » et possèdent une structure chimique similaire. 

L’équipe a modifié chimiquement ces deux molécules selon une méthodologie originale contrôlée en y ajoutant un sucre particulier, le Lewis X. Le Lewis X est un type de glucide proche de ceux qui définissent les groupes sanguins chez l’humain. Cette modification structurale leur a permis d’obtenir de nouveaux composés chimériques appelés « saponines ». 

Les saponines n’avaient jamais été décrites auparavant dans la littérature scientifique. Or, elles possèdent des avantages qui facilitent leur utilisation potentielle dans des traitements antiviraux. D’abord, elles sont beaucoup plus solubles dans l’eau que les triterpènes et se dissolvent relativement bien dans les milieux biologiques. Ensuite, au contraire d’autres substances similaires qui peuvent être toxiques, elles sont sans danger pour les cellules humaines. 

Et, surtout, elles bloquent efficacement l’action du VIH. L’équipe a observé que les saponines empêchent le virus d’utiliser certaines protéines spécifiques aux glucides de type Lewis présentes sur les cellules immunitaires appelées DC-SIGN et L-SIGN, pour se propager vers les cellules CD4+, la cible principale du VIH. 

Charles Gauthier, professeur

« Nos recherches montrent que les saponines sont parmi les plus efficaces jamais découvertes pour bloquer le mécanisme de transfert du VIH vers les cellules CD4+, même à très faibles doses. »

Charles Gauthier, professeur à l’INRS, expert en chimie des carbohydrates et produits naturels

VIH, Ebola, dengue, coronavirus : des possibilités très vastes 

Des molécules « chimériques », capables de bloquer l’entrée du virus dans les cellules du système immunitaire, ce qui correspond à une étape clé de l’infection, n’avaient jamais été obtenues auparavant. Les saponines pourraient ainsi servir de base au développement d’agents antiviraux à large spectre, capables de bloquer l’infection dès les premiers contacts avec le virus, par exemple lors de rapports sexuels dans le cas du VIH. 

Oscar Javier Gamboa Marin, doctorant et premier auteur de l’étude

« Bien qu’il soit connu que le lait maternel contienne des oligosaccharides capables de protéger les nouveau-nés contre l’infection par le VIH dans les premiers mois de l’allaitement, nous sommes les premiers à démontrer que des saponines peuvent inhiber la voie d’entrée du VIH via les récepteurs DC-SIGN et L-SIGN. » 

Oscar Javier Gamboa Marin, doctorant à l’INRS et premier auteur de l’étude

« Malgré les progrès réalisés dans ce domaine, très peu d’études se sont concentrées sur l’inhibition de DC-SIGN et L-SIGN par des glucides de types Lewis », ajoute le jeune chercheur.  

Une autre propriété intéressante des saponines réside dans leur capacité à former spontanément des structures appelées « micelles » ou à s’intégrer dans des liposomes. Cela pourrait permettre, dans des travaux futurs, d’encore améliorer leur efficacité contre le VIH, notamment en facilitant leur ciblage vers les cellules touchées par le virus. 

Par ailleurs, puisque les protéines DC-SIGN et L-SIGN sont également exploitées par d’autres virus dangereux comme Ebola, la dengue ou encore le SARS-CoV-2, les saponines ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement d’agents antiviraux à large spectre contre ces maladies.  

À propos des articles*  

L’article intitulé Lewis-X-Containing Triterpenoid Saponins Inhibit DC-SIGN- and L-SIGN-Mediated Transfer of HIV-1 Infection a été coécrit par Oscar Javier Gamboa Marin, Kurtis Ng, Nitish Verma, Assi Gérard Flavien Yapi, Ralph Pantophlet, et Charles Gauthier. 

Ces travaux ont été rendus possible grâce au soutien du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, du Fonds de recherche du Québec, la Fondation Armand-Frappier, ainsi que le Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole. 

L’article intitulé Immunological and Toxicological Assessment of Triterpenoid Saponins Bearing Lewis-X- and QS-21-Based Trisaccharides a été coécrit par Oscar Javier Gamboa Marin, Yasmine Adda-Bouchard, Balla Sylla, Nitish Verma, Tania Charpentier, Maya Huber, Guillaume Lopez, André Pichette, Alain Lamarre, et Charles Gauthier.  

Ces travaux ont été rendus possible grâce au soutien du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, du Fonds de recherche du Québec, la Fondation Armand-Frappier, ainsi que le Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole.