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Analyser l’ADN environnemental pour gérer les contaminations fécales

24 février 2022 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 24 février 2022

Des indicateurs génétiques permettraient une meilleure identification des sources de pollution de fèces dans les eaux de surface.

Les sources de contamination fécale dans les eaux de surface peuvent être multiples et se trouver à plusieurs kilomètres de la zone touchée.

« Qui fait pipi dans l’eau ? » Cette question paraît peu scientifique, mais la réalité est tout autre. Déterminer la source d’une contamination fécale, un enjeu important de santé publique, requiert des années de recherche. Pour y parvenir, la doctorante Rose Ragot et le professeur Richard Villemur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) travaillent sur des amorces génétiques, soit de courtes séquences d’ADN qui servent de points de départ lors du séquençage. Elles permettent d’identifier efficacement les sources potentielles de contamination fécale, particulièrement pour les eaux qui circulent à travers des environnements urbains et agricoles. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Environmental Monitoring and Assessment.

Puisque la contamination fécale est diffuse, les sources peuvent être multiples et se trouver à plusieurs kilomètres de la zone touchée. Il faut donc trouver les bons indicateurs génétiques dans les fèces pour gérer cette pollution. Par exemple, une contamination humaine indique parfois des infrastructures de traitement des eaux usées défectueuses ou une fuite de fosses septiques. Une source de contamination bovine pointe plutôt vers les eaux de ruissellement des champs ou une mauvaise gestion de l’épandage du fumier.

Le groupe de recherche a identifié des amorces permettant de reconnaître la majorité des mammifères et des oiseaux, principaux responsables de la contamination fécale.

« Contrairement aux indicateurs bactériens qui varient géographiquement selon l’alimentation, ces petites séquences génétiques sont spécifiques à l’espèce, car elles se basent sur l’ADN mitochondrial. »

Richard Villemur, spécialiste en microbiologie environnementale 


Un séquençage efficace

Ces amorces servent en quelque sorte de bouton de lecture lors de l’analyse de l’ADN environnemental. Le séquençage se fait par amplification par PCR, la même technique que celle utilisée dans les tests de dépistage pour la COVID. L’amorce indique à l’appareil quels fragments d’ADN doivent être répliqués en un grand nombre de copies identiques afin de déterminer les espèces animales présentes. Cette approche novatrice évite de procéder à une analyse PCR pour chaque source possible, en considérant toutes les espèces à la fois.

L’étudiante au doctorat en biologie a échantillonné quatre cours d’eau pour démontrer l’efficacité de ces amorces dans des conditions réelles. Elle a d’abord analysé les eaux de la rivière L’Assomption, qui passe dans la ville de Joliette avant de traverser une zone agricole. Elle a également échantillonné la rivière Bayonne, qui coule dans une zone agricole en amont de la municipalité de Berthierville, où l’on pratique l’élevage de bovins, de porcs et de volailles.

« Des contaminations fécales humaines et bovines ont été révélées à la rivière L’Assomption », indique la doctorante. Une surverse du réseau d’égouts lors d’une averse quelques jours plus tôt expliquerait en partie ce niveau de contamination élevé. Pour la suite de son doctorat, Rose Ragot continue l’analyse de près d’une centaine d’échantillons dans ces rivières, en collaboration avec la Fondation Rivières et les organismes de bassins versants de la région.

Outre le suivi des sources de contamination fécale, les amorces permettent de déterminer quelles espèces de mammifères et d’oiseaux, mais également de poissons et d’amphibiens sont présentes dans l’environnement. « Nous sommes capables de faire un profilage des espèces et même de connaître leur abondance relative selon le pourcentage d’ADN trouvé. C’est un atout dans la gestion de la faune; pour suivre la présence d’espèces envahissantes plus tolérantes à la pollution, par exemple », souligne le professeur Villemur. Cette application sera explorée dans leurs prochains travaux.


À propos de l’étude

L’article « eDNA profiling of mammals, birds, and fish of surface waters by mitochondrial metagenomics: application for source tracking of fecal contamination in surface waters », par Rose Ragot et Richard Villemur, a été publié le 8 janvier dans la revue Environmental Monitoring and Assessment. L’étude a reçu un soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la Fondation Rivières.