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La sociologue et démographe Laurence Charton lance un premier balado d’une série intitulée Récits de femmes, s’intéressant à la place des femmes dans la société.
La balado s’intéresse aux vécus, aux défis et à la résilience de ces femmes sans enfant et questionne les injonctions sociales entourant la maternité dans notre société.
Le premier balado Récits de femmes sans enfant par circonstances de la vie aborde une condition souvent incomprise, celle des femmes involontairement sans enfant.
Désirer un enfant et ne pas en avoir n’est pourtant pas une situation rare ou marginale. Aujourd’hui au Québec, près d’une femme sur quatre n’a pas eu d’enfant. Pour la plupart d’entre elles, l’absence d’enfant n’est pas un choix mais, comme en témoignent pudiquement certaines femmes, plutôt la conséquence de circonstances de la vie. Quelles sont ces circonstances de la vie ? Comment ces femmes vivent-elles cette absence d’enfant désiré ? Quelles stratégies adoptent-elles pour surmonter cette absence ?
Ce balado pensé et présenté par la professeure du Centre Urbanisation Culture Société, Laurence Charton, tente de répondre à ces questionnements. Il s’intéresse aux vécus, aux défis, et à la résilience de ces femmes sans enfant et questionne les injonctions sociales entourant la maternité dans notre société.
Pour écouter le balado :
Questionner les raisons pour lesquelles certaines femmes n’ont pas eu d’enfant et observer comment elles vivent cette absence permet de mieux comprendre ce qui entoure et génère le désir d’enfant. Cerner les conditions qui peuvent entraver le désir de certaines femmes d’avoir un enfant permet aussi de mieux saisir les injonctions sociales entourant la maternité.
Ce balado nous présente deux histoires de vie qui, bien que singulières, sont des expériences largement partagées par les femmes rencontrées par la chercheuse. C’est dans le cadre de son projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et intitulé « Avoir ou non un enfant au Québec : condition, moment, et motivation » que le projet de créer un balado a vu le jour.
« On parle peu des personnes qui n’ont pas enfant. La société renvoie ces personnes à un état d’instabilité, d’égoïsme, à une condition qui serait tout sauf normale. Les femmes involontairement sans enfant peinent à exister socialement et se retrouvent victimes d’une forme d’invisibilité et de culpabilisation sociale.»
Laurence Charton
Catherine-Emmanuelle Delisle est enseignante au primaire et créatrice du blogue Femme sans enfants. Celle-ci n’a pu avoir d’enfant à la suite d’une cause d’infertilité diagnostiquée à l’adolescence et raconte une partie de son histoire.
« Je ne crois pas que les gens soient conscients qu’on se sent mises à l’écart. Je vais prendre un exemple concret dans le mode du travail, quand je me retrouvais dans la salle des professeurs à l’école et que les femmes parlaient de leurs enfants, de garderie, de gestion du temps. Évidemment, moi je ne pouvais pas contribuer à ces questions-là. Alors, je restais silencieuse. Alors on ne remarque pas quelqu’un qui reste silencieux », livre Catherine-Emmanuelle.
Cette conversation sans voix peut entraîner un sentiment de solitude. Une émotion qui peut être exacerbée dans une société où la famille est placée au centre d’un parcours individuel, comme c’est le cas au Québec. Encore aujourd’hui, le rôle de mère et le rôle de femme peuvent être indissociables pour de nombreuses personnes.
« Je pense que notre vécu tombe dans l’angle mort des gens en général, parce qu’ils sont peu au courant de cette réalité-là. Mais je pense aussi que quand on souffre de ne pas avoir d’enfant, c’est très difficile d’exister publiquement avec cette souffrance-là puis de trouver le moment propice pour en parler et pour se faire une place. »
Catherine Emmanuelle Delisle
Ne pas avoir d’enfant que ce soit par choix ou non reste un sujet délicat qui n’est pas facile à aborder, fait remarquer la chercheuse. Et ce même au sein du couple où les partenaires doivent concilier leur envie de famille propre et commune. Outre les raisons médicales, ne pas rencontrer la bonne personne au bon moment, avoir le bon âge ou non, attendre les conditions parfaites selon notre imaginaire de la parentalité sont autant de raisons qui font que le désir d’enfant ne se concrétise pas.
« Il y a une nuance importante à faire entre ne pas avoir d’enfant par choix et ne pas en avoir par circonstances de la vie. La deuxième situation est un état subi », précise Laurence Charton.
« Je trouvais intéressant d’approfondir le sujet et d’essayer de comprendre le processus, poursuit-elle. Les raisons qui conduisent à ne pas pouvoir avoir d’enfant sont multiples et ne sont pas uniquement d’ordre médical. »
Laurence Charton est directrice de la revue internationale Enfances Familles Générations. Elle est également coresponsable de la Chaire Périnatalité et parentalité du RISUQ et membre des partenariats de recherche Familles en mouvance et Séparation parentale, recomposition familiale.
Réalisation : Marie-Hélène Frenette-Assad
Montage et musique : Roxanne Potvin