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L’intelligence artificielle au travail

8 décembre 2021 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 20 décembre 2021

Les algorithmes, l’apprentissage machine et les systèmes automatisés ont révolutionné le monde du travail, mais pas son lot d’enjeux sociaux.

Systèmes automatisés industrie

Les algorithmes, l’apprentissage machine et les systèmes automatisés ont connu une croissance fulgurante de près de 300 % dans les entreprises durant les cinq dernières années.

Au cours des dernières années, l’économie québécoise a pris un virage numérique. Celui-ci implique une réflexion collective sur les enjeux éthiques et sur les effets de l’intelligence artificielle dans le monde du travail. Mircea Vultur, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et membre du comité de travail multidisciplinaire des experts de la Commission de l’éthique en science et en technologie, s’est penché sur ce sujet.

« Les algorithmes, l’apprentissage machine et les systèmes automatisés ont connu une croissance fulgurante de près de 300 % dans les entreprises ! Il est essentiel de s’interroger sur les conséquences de cette augmentation sur le plan social. »

Mircea Vultur, spécialiste du travail et de l’insertion professionnelle

Le professeur souligne les avantages concurrentiels et l’augmentation de la productivité apportés par l’intelligence artificielle, mais également les dangers qui y sont liés. Il s’intéresse principalement aux problèmes éthiques posés par son implantation qui a accéléré trois tendances déjà existantes dans le monde du travail prépandémique: le télétravail, l’utilisation des plateformes numériques et du commerce en ligne et l’automatisation industrielle.

En effet, l’arrivée des algorithmes en gestion des ressources humaines permet dorénavant aux entreprises de contrôler, à distance, la productivité de leur personnel. Cela a pour conséquence d’envisager davantage le télétravail dans un contexte où la gestion algorithmique permet un contrôle précis du temps de travail, et même des mouvements des employés. « Cette pratique peut entraîner une surveillance excessive. Il y a un risque réel de franchir la barrière entre le travail et la vie privée. De plus, les entreprises doivent être transparentes quant aux données collectées sur leurs employées et employés, plusieurs n’étant pas au courant de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion du personnel,», indique-t-il.

En ce qui a trait au travail sur des plateformes numériques, comme pour l’entreprise de transport Uber, le professeur Vultur soulève des enjeux entourant les conditions de travail. « Lorsqu’on travaille en solitaire, il est entre autres difficile de s’organiser collectivement afin de demander de bonnes conditions ou des avantages sociaux », soutient le chercheur. Il a été démontré que, dans ce type d’emploi, les personnes ressentent la pression d’être toujours connectées et ont de la difficulté à s’arrêter. « Les algorithmes créent une dépendance élevée, donc une soumission de facto des travailleuses et travailleurs à la plateforme », ajoute-t-il.


Des compétences numériques

En automatisation industrielle, l’intelligence artificielle a entraîné un changement radical. Lors de la révolution industrielle, les machines ont remplacé le travail physique. Aujourd’hui, elles tendent à remplacer le travail cognitif par le traitement de l’information.

Cette automatisation va-t-elle faire perdre davantage d’emplois ? Le professeur Vultur est optimiste sur ce point. « Je pense que ça va plutôt changer la nature des emplois. Au lieu de faire le travail physiquement, la personne assistera la machine. Il y aura donc la nécessité de développer de nouvelles compétences, plus analytiques que physiques, chez les travailleuses et les travailleurs », explique-t-il.

Or, le développement technologique de l’intelligence artificielle est un défi pour le Québec, qui possède une économie majoritairement basée sur les petites et moyennes entreprises. Contrairement aux grandes entreprises, ces dernières ont besoin de ressources externes pour développer ce savoir-faire. À cela s’ajoute une pénurie de travailleuses et travailleurs qualifiés dans tous les domaines touchant au numérique. « Il n’y en a pas assez, alors la demande est très forte pour celles et ceux qui en sont capables, rapporte le professeur Vultur. Le taux de roulement de la main-d’œuvre en numérique est également très élevé. Seulement 20 % des gens restent dans la même structure plus que quelques années. Ils ont l’embarras du choix, alors ils choisissent les postes offrant les meilleurs avantages. »