- Ma recherche en série
Mon aventure au sein de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a commencé lors de mes toutes premières années d’études en France, lorsque j’étais encore étudiante au premier cycle universitaire. J’ai eu le plaisir de réaliser un stage de recherche dans le groupe du professeur Frédéric Veyrier. Ce fut ma première expérience dans un laboratoire. Il faut croire que c’était la bonne puisque, deux ans après, je venais au Québec poursuivre mon parcours au sein de cette même équipe.
Le libellé exact de mon doctorat m’importe peu. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est la biologie et, plus précisément, la microbiologie. Ce domaine étudie les organismes vivants qui ne sont pas visibles à l’œil nu, tels que les microorganismes. Ce sont les organismes les plus diversifiés sur Terre. Présents dans tous les environnements, même les plus extrêmes, ces derniers sont à la base de nos écosystèmes.
Une petite fraction de ces microorganismes est infectieuse. Ces pathogènes peuvent avoir un impact à différents niveaux de notre société, comme le SARS-COV-2 avec la pandémie de COVID-19. Il est alors essentiel de comprendre comment ces organismes engendrent des conséquences si importantes sur notre santé, mais également comment les combattre. C’est l’objectif de mon doctorat qui vise un genre bactérien bien particulier : les Neisseria.
Ce type de bactéries ne vous dit peut-être rien. Pourtant deux espèces de ce genre, Neisseria meningitidis et Neisseria gonorrhoeae, sont responsables de maladies très connues, soit la méningite à méningocoque et la gonorrhée. Ce sont les deux seules espèces pathogènes puisque les autres Neisseria sont considérés comme des espèces commensales des mammifères. C’est-à-dire qu’elles vont tirer profit de leur hôte sans engendrer d’effets néfastes sur ce dernier.
La méningite à méningocoque et la gonorrhée touchent des millions de personnes chaque année. Nous observons une recrudescence des souches résistantes aux antibiotiques, notamment pour N. gonorrhoeae, classé en 2019 dans les menaces urgentes par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Cette augmentation rapide des souches résistantes aux antibiotiques provient de leurs capacités à acquérir des gènes d’autres bactéries. Elle est également due à un système de réparation de l’ADN sous-optimal, ce qui entraîne l’apparition d’une multitude de mutations. C’est pourquoi il est urgent de développer de nouvelles pistes pour lutter contre ces deux pathogènes
Lors de ma maîtrise au sein de l’INRS, j’ai essayé de répondre à cette première problématique. Ce projet nous a permis de découvrir un composé, le sodium tétraphenylborate, qui a une activité bactéricide spécifique aux deux Neisseria pathogènes. Ce résultat était assez surprenant puisque certaines espèces commensales, notamment Neisseria lactamica, sont extrêmement proches génétiquement des pathogènes et sont insensibles à ce composé.
Cette observation nous a poussés à comprendre les évènements qui ont conduit ce genre bactérien à évoluer vers la pathogénicité. Et pour cela, mon doctorat va se concentrer sur l’enveloppe de ces bactéries. Car cette structure clé dans les interactions avec l’hôte a le plus de chance de s’être modifiée au cours du temps.
Une telle compréhension de l’évolution pourrait servir à identifier de nouvelles pistes pour des traitements antibiotiques ou des vaccins en plus d’optimiser des méthodes de diagnostic. Qui plus est, si nous comprenons comment est apparue la pathogénicité dans un genre bactérien, nous pourrons essayer de prédire son apparition dans d’autres types de bactéries.
Ce projet de doctorat va demander de nombreuses connaissances dans différents domaines de la biologie que l’INRS a pu concentrer au sein du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Afin de comprendre l’évolution vers la pathogénicité, il est indispensable de maîtriser la bio-informatique. Des formations sont dispensées dans ce domaine et une plateforme a été créée dans le laboratoire du professeur Veyrier. Les pistes qui seront découvertes grâce à ces analyses devront être testées in vitro et in vivo notamment dans des modèles murins. Ces derniers sont indispensables pour comprendre les interactions hôtes-bactéries. L’INRS offre cette possibilité grâce à la présence dans ses locaux du Centre national de biologie expérimentale.
Qui plus est, l’enveloppe des bactéries est la structure clé de ce projet. La plateforme de caractérisation des nanovéhicules biologiques ou de synthèse va nous permettre de la caractériser grâce à la microscopie électronique à transmission, et à balayage. En plus du côté fondamental de ce projet, il sera aussi question de mettre au point une nouvelle méthode de diagnostic, rendue possible grâce au solide réseau de collaboration mis en place avec des scientifiques et des ingénieurs du Centre Énergie, Matériaux et Télécommunications.
Je ne sais pas encore où je serai dans 10 ans ni ce que je ferai, mais il y a de grandes chances qu’on me trouve encore derrière mon comptoir, au laboratoire, à répondre à des questions que je me m’étais pas encore posé…
Cela fait maintenant sept ans que j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie pour suivre des études supérieures en biologie. Mon but étant d’y retourner, un jour, pour aider à la lutte contre les nombreuses maladies d’origines microbiennes qui sévissent dans l’hémisphère sud. Pour cela, j’ai réalisé un DUT (Diplôme universitaire de technologie) en génie biologique, option Analyses biologiques et biochimiques, en France (Clermont-Ferrand). C’est une formation de deux ans pour devenir technicien supérieur de laboratoire. C’est lors de cette formation que j’ai rencontré mon mentor actuel, le professeur Frédéric Veyrier. Par la suite, je suis entrée directement en troisième année de licence Santé (équivalent au baccalauréat). J’ai pu intégrer la première promotion du cheminement bidiplômant de maîtrise en diagnostic biomédical entre l’INRS et l’Université Clermont-Auvergne. Puis, j’ai commencé mon doctorat en biologie en 2019.
Ma recherche en série présente des projets de maîtrise et de doctorat à l’INRS. Les textes sont rédigés par les étudiant(e)s et révisés par le Service des communications.