- Ma recherche en série
La vie n’est pas toujours une ligne bien tracée… et c’est justement ce qui lui donne du piquant !
Sophia Ferchiou sur le terrain
Mon parcours académique reflète bien cette non-linéarité où je suis passée de l’humain à la moule, en passant par la baleine. Après l’obtention d’un baccalauréat en sciences biomédicales, j’avais le désir et la motivation de poursuivre mes études en recherche. Toutefois, malgré ce diplôme brûlant au creux de ma main, je sentais au plus profond de moi que je voulais explorer un autre domaine. Un milieu qui me ferait vibrer, mais avec des enjeux différents. Je suis alors tombée sur le programme de maîtrise en océanographie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). C’est à ce moment-là que le déclic s’est fait dans ma tête : je voulais plonger dans ce domaine qui m’était encore jusque-là inconnu !
J’ai donc sauté à l’eau ! J’ai eu l’occasion de réaliser une maîtrise portant sur le béluga du Saint-Laurent, sous la supervision des professeurs Jean-Pierre Gagné, Youssouf Soubaneh et Richard Saint-Louis, des experts en chimie environnementale et en contaminants chimiques. Plus spécifiquement, mon projet visait à développer une nouvelle approche chimique pour évaluer la diète récente du béluga. Cette approche se basait sur la bioaccumulation des PBDE, des retardateurs de flamme couramment utilisés dans les années 1980 et 1990 en Amérique du Nord.
Ces études de maîtrise m’ont permis de confirmer mes intérêts pour les recherches portant sur la préservation des écosystèmes aquatiques et sur les organismes sensibles aux stress environnementaux et anthropiques. Je savais que j’étais dans le domaine qui me convenait. Je me sentais comme un poisson (ou plutôt une baleine) dans l’eau.
À la fin de ma maîtrise, j’ai rejoint l’équipe de conservation du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, sur le site de Tadoussac. Comme assistante de recherche, j’ai travaillé sur la distribution spatio-temporelle des proies des mammifères marins dans une partie de l’estuaire maritime du Saint-Laurent à l’aide de données hydroacoustiques.
Malgré ce milieu de travail unique, j’avais cette envie d’ajouter une nouvelle corde à mon arc. Ainsi, en automne 2019, j’ai entamé l’aventure du doctorat en biologie marine, sous la direction du professeur Yves St-Pierre de l’INRS et en codirection avec le professeur Stéphane Betoulle de l’Université de Reims.
Mon projet consiste à utiliser la moule comme espèce sentinelle, afin d’évaluer l’état de santé des milieux marins et côtiers sensibles aux changements climatiques. Pour ce faire, j’applique des outils développés en recherche biomédicale sur les milieux marins. Cette recherche tombait littéralement du ciel (ou de la mer) et j’avais envie de relever ce magnifique défi.
Cette expérience m’a fait grandir professionnellement en me permettant de toucher à une multitude d’outils, tant du domaine de la biologie moléculaire, de la bio-informatique, de la microbiologie que de l’écotoxicologie. J’éprouve une très grande reconnaissance envers mes directeurs pour leur patience et leur soutien durant mon apprentissage.
Ce doctorat m’a non seulement permis de développer des techniques en bio-informatiques et en laboratoire, mais il m’a aussi amenée à planifier des campagnes d’échantillonnage au Québec, ainsi que sur les îles de Kerguelen, en zone subantarctique. En effet, avec mon équipe de recherche, j’ai eu la chance incroyable d’échantillonner plusieurs fois au parc marin du Saguenay-Saint-Laurent (et saluer au passage mes anciens collègues). J’ai également eu l’occasion d’aller dans les Terres australes et antarctiques françaises en automne 2021.
Sur le terrain, on est parvenu à séquencer, directement sur le terrain, de l’ADN extrait du plasma hémolymphatique de moules pour évaluer la biodiversité. Une première ! Cette expérience lors de mon doctorat a laissé sa marque dans mon esprit… tout comme les manchots et les éléphants de mer qui devaient bien se demander ce qu’on faisait là, les deux pieds dans l’eau à ramasser des moules.
Mes études aux cycles supérieurs m’ont permis de développer d’autres outils essentiels, soit la communication et la vulgarisation scientifique. Il est en effet important de rendre accessibles nos connaissances et nos travaux à nos collègues, mais également à un plus vaste public.
Durant ma maîtrise, je me suis impliquée dans le comité de vulgarisation scientifique, le REVUS, où j’ai su forger mes propres outils pour vulgariser certains concepts dont je me sers encore aujourd’hui. Par exemple, ceux-ci m’ont servi à vulgariser mon projet de recherche lors du concours Mon projet nordique, en mai 2022. Mon projet « L’analyse de l’ADN environnemental par biopsie liquide sur des écosystèmes » a été retenu et je me rendrais en Islande, en octobre, pour la finale internationale du concours, dans le cadre de l’Arctic Circle Assembly.
Vous l’aurez remarqué, mon parcours atypique m’a permis de réaliser une formation multidisciplinaire qui touche à la fois les sciences biomédicales et la biologie marine. Je ressens à la fois du plaisir et de la gratitude envers ce cheminement qui m’a amenée jusqu’aux études doctorales. À travers ce parcours, j’ai pu me familiariser avec différentes méthodes essentielles en recherche qui me permettent aujourd’hui de participer à la lutte aux changements climatiques via la recherche.
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