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Maladies inflammatoires de l’intestin : accent sur la petite enfance

29 octobre 2024

Mise à jour : 29 octobre 2024

Selon une récente étude menée dans la population québécoise, l’environnement des jeunes enfants influence le développement de ces pathologies au cours de la vie.

Le doctorant Canisius Fantodji et la professeure Marie-Claude Rousseau de l’INRS.

Une équipe de recherche menée par la professeure Marie-Claude Rousseau de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et le Dr Prévost Jantchou du Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine fait plusieurs découvertes prometteuses en lien avec les facteurs de risque des maladies inflammatoires de l’intestin (MII).

Cette étude, réalisée auprès de 2728 personnes québécoises, apporte de nouvelles connaissances scientifiques sur l’étiologie de la maladie de Crohn, une maladie chronique et incurable dont les causes ne sont pas entièrement élucidées à ce jour. Les résultats de ces analyses ont fait l’objet d’un article publié dans la revue Digestive and Liver Disease.

« Les maladies inflammatoires intestinales touchent près d’une personne sur 100 au Canada. Ce sont des pathologies qui affectent grandement la qualité de vie des patientes et des patients. Avec nos travaux, nous fournissons des pistes de prévention concrètes, puisque tous les facteurs étudiés sont a priori modifiables par un changement des habitudes », explique le premier auteur de l’étude Canisius Fantodji, doctorant en épidémiologie et immunologie sous la supervision de la professeure Rousseau au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS. 

Il s’agit de l’une des rares études portant sur des expositions au début de l’enfance, soit de 0 à 3 ans. La petite enfance correspond pourtant à une période cruciale dans l’établissement et la diversification du microbiote intestinal, cet écosystème microbien qui joue un rôle clé dans la santé intestinale.

Allaitement et alimentation de l’enfant, des facteurs majeurs

L’équipe de recherche a observé les effets de l’allaitement maternel et de l’alimentation pendant la petite enfance sur le risque de développer ou non des maladies inflammatoires de l’intestin plus tard dans la vie. En effet, ces deux facteurs influencent directement la composition du microbiote.

Pour ce qui est de l’alimentation, l’équipe de recherche a enregistré une découverte inédite : une légère augmentation du risque de la maladie de Crohn a été observée lors de l’introduction précoce d’aliments solides, soit à l’âge de 3 à 6 mois comparativement à une introduction plus tardive (plus de 6 mois).

Professeure Marie-Claude Rousseau

« Nos travaux suggèrent que l’introduction hâtive d’aliments solides chez le nourrisson pourrait augmenter le risque de développer la maladie de Crohn plus tard dans la vie. C’est une découverte qui devra être vérifiée dans d’autres populations et qui ouvre la voie vers de nouvelles pistes pour la recherche dans ce domaine ».

Professeure Marie-Claude Rousseau, spécialiste de l’épidémiologie et des maladies inflammatoires et auto-immunes.

L’équipe de recherche insiste également sur l’importance de l’allaitement maternel exclusif lorsqu’il est possible. En effet, celui-ci tendrait à diminuer le risque de développer la maladie de Crohn. Cette observation s’inscrit en concordance avec les connaissances scientifiques actuelles et vient appuyer les recommandations en matière de nutrition infantile.

Les dangers de la fumée secondaire

Les dangers du tabac sur la santé sont largement reconnus par les scientifiques et le grand public. Mais pour la première fois, l’équipe de recherche a démontré que les enfants exposés à la fumée secondaire du tabac pendant leurs trois premières années de vie ont un risque de 23 % plus élevé de développer la maladie de Crohn par rapport aux enfants qui n’y ont pas été exposés. Seule une faible partie de cette augmentation de risque est expliquée par le tabagisme actif du sujet lui-même lorsqu’il atteint l’âge adulte, un aspect inexploré auparavant.

« Nos travaux ont dégagé plusieurs constats uniques pour l’avancée de la recherche, particulièrement concernant l’influence néfaste de la fumée secondaire chez les jeunes enfants dans le développement des maladies inflammatoires intestinales », précise Canisius Fantodji.

« Jusqu’à aujourd’hui, peu d’études ont porté sur les liens entre l’exposition secondaire à la fumée du tabac dans la petite enfance et les MII, et aucune étude n’avait permis de déterminer quelle proportion de l’effet de l’exposition secondaire à la fumée était expliquée par le tabagisme actif des participants plus tard dans la vie ».

Dr Prévost Jantchou, clinicien chercheur et gastro-entérologue au CHU Sainte-Justine et professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal.

« Ceci nous rappelle l’importance d’éviter l’exposition des enfants à la fumée du tabac, non seulement pour leur santé générale, mais aussi pour limiter le risque de développer des maladies intestinales chroniques dans le futur. »

À propos de l’article 

Canisius Fantodji, Marie-Claude Rousseau, Belinda Nicolau, Sreenath Madathil, Andrea Benedetti, Prévost Jantchou. (2024). « Early life exposures and risk of inflammatory bowel disease: A nested case-control study in Quebec, Canada », Digestive and Liver Disease. https://doi.org/10.1016/j.dld.2024.09.011

La mise en place de la Cohorte de naissance québécoise sur l’immunité et la santé (CO·MMUNITY) utilisée pour sélectionner les participantes et participants a obtenu un soutien financier de la part de la Fondation canadienne pour l’innovation et le ministère de l’Éducation du Québec, ainsi que des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada, du Fonds de recherche du Québec (Santé) et de la Société canadienne de la sclérose en plaques.

Ces travaux de recherche ont été possibles grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada et à un partenariat avec l’Institut de la statistique du Québec. Dr Jantchou est chercheur boursier clinicien du Fonds de recherche du Québec (Santé). Canisius Fantodji est soutenu par des bourses des Fonds de recherche du Québec (Santé, Nature et Technologie), du Regroupement intersectoriel de recherche en santé de l’Université du Québec (RISUQ), du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales (CIQSS) et de la Fondation de l’INRS.