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Un rapport de recherche codirigé par l’INRS dévoile le rôle crucial que jouent les milieux humides dans la préservation des ressources en eau des municipalités.
Entre vagues de chaleur et records de précipitations, l’été 2024 représente – selon les projections climatiques – un avant-goût des transformations que pourrait vivre le Québec au cours des prochaines décennies. Le milieu municipal étant aux premières lignes de ces changements, il est primordial de l’appuyer à l’aide de données à la fine pointe de l’information technique et scientifique.
C’est dans un but de protection des ressources en eau que les équipes du professeur Alain Rousseau à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et de la professeure Monique Poulin à l’Université Laval ont formé un regroupement de recherche. Ils ont mis leurs expertises en commun afin d’offrir à la Ville de Québec une analyse détaillée des services hydrologiques et écologiques des milieux humides sur son territoire. Ce projet qui a fait l’objet d’un rapport a impliqué un partenariat entre l’organisme Ouranos, la Ville de Québec et l’Organisme des bassins versants de la Capitale. Ces travaux ont bénéficié d’un soutien financier via le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec et de Mitacs.
« C’est la première fois que nos outils aident une municipalité à produire un Plan régional des milieux humides et hydriques. Habituellement, nos résultats servent à mieux comprendre de grands systèmes hydrologiques, mais là, ils ont été utilisés pour alimenter la réflexion sur la conservation de milieux humides à l’échelle municipale. C’est une contribution majeure ! »
Alain Rousseau, professeur titulaire, expert en modélisation hydrologique à l’INRS et coauteur de ce rapport.
« Nous avons aussi montré que l’objectif d’aucune perte nette devrait être encore plus ambitieux pour certains secteurs et viser plutôt une augmentation de la superficie de milieux humides par la voie de la restauration afin de contrer les effets des changements climatiques sur les débits en rivière », explique Monique Poulin, coautrice du rapport et professeure à l’Université Laval, qui se spécialise en conservation de la biodiversité et en restauration des milieux humides et riverains.
Dans le contexte actuel, la restauration et la création des milieux humides et hydriques est une approche soutenue notamment par le Programme de restauration et de création de milieux humides et hydriques
Afin de contrer les effets des changements climatiques sur les débits des rivières, d’autres actions devront être valorisée telles que l’usage de bonnes pratiques de gestion de l’eau, de la conservation de milieux naturels ainsi que la valorisation de mesures pour limiter ou réduire l’imperméabilisation des sols.
Avec plus de 44 kilomètres carrés de milieux humides (soit 8 % de son territoire) et un grand nombre de rivières, l’agglomération de Québec jouit d’une situation enviable et présente de nombreuses possibilités en matière de conservation.
Les milieux humides jouent un rôle particulier dans le régime hydrique d’un bassin versant, et celui-ci doit être considéré dans nos approches d’adaptation aux changements climatiques. Ces « zones tampons » ont un double rôle : celui de réduire les risques d’inondations lors de crues et, à l’inverse, de réduire la sévérité des étiages lors de sécheresses.
Cela fait déjà 10 ans que le professeur Rousseau et la professeure Poulin collaborent et analysent l’apport en services écologiques des milieux humides. Et les résultats de leurs travaux intéressent particulièrement les municipalités, surtout depuis la mise en place en 2017 d’une loi concernant la conservation des milieux humides par le gouvernement du Québec.
Or, les changements climatiques vont inévitablement modifier le régime hydrique des bassins versants au cours des prochaines années. « L’organisme Ouranos a identifié des modèles climatiques selon les scénarios de la croissance des gaz à effet de serre que l’on a explorés, du plus optimiste au plus pessimiste », explique le professeur Rousseau, qui est basé au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS. « C’est ce qui nous permet de faire des projections permettant de quantifier le rôle de ces milieux sur le territoire de l’agglomération de Québec et d’aider à la planification de leur conservation dans le Plan régional des milieux humides et hydriques. »
Leurs modélisations ont fait ressortir deux éléments : d’une part, une baisse de la fréquence et de l’amplitude des crues printanières aux horizons 2060 et 2100 ; d’autre part, une augmentation généralisée de la fréquence et de la sévérité des étiages durant la même période, menant ainsi à des enjeux accrus d’approvisionnement en eau en plein été.
Ce constat nécessite des actions importantes à l’échelle de la municipalité, car les chercheuses et chercheurs ont montré qu’il faut une superficie de milieux humides beaucoup plus importante pour faire face aux sécheresses qu’il n’en faut pour faire face aux inondations. Cela rappelle l’importance d’adopter de bonnes pratiques concernant l’utilisation de l’eau potable pendant l’été. En 2022, l’agglomération de Québec a d’ailleurs adopté un règlement pour régir l’utilisation de l’eau potable provenant de l’aqueduc.
De nombreuses recommandations ont donc été émises dans le rapport, notamment en estimant la quantité théorique de milieux humides à restaurer afin d’atténuer l’effet des changements climatiques, en identifiant des sites potentiels pour la restauration et en donnant des pistes concrètes pour l’élaboration de projets de restauration.
Selon les scientifiques, ce rapport peut avoir des retombées qui dépassent largement la région de Québec. D’abord, même si les résultats présentés sont propres aux bassins versants desservant l’agglomération de Québec, l’approche méthodologique élaborée par l’équipe de recherche peut être appliquée dans une bonne partie de la province, notamment pour quantifier la contribution des milieux humides à l’atténuation des crues ainsi que le soutien aux étiages dans un contexte de changements climatiques.
Ainsi, ce rapport pourra être utilisé comme base pour d’autres municipalités qui voudraient acquérir ces connaissances. « Une des retombées majeures de ce rapport est l’approche qu’on a développée pour répondre à certaines questions soulevées par la Ville de Québec lors de la planification de la conservation des milieux humides et hydriques sur son territoire. Bien entendu, notre travail peut servir à d’autres municipalités ailleurs au Québec. »
Alain Rousseau
Le chercheur précise que la plupart des données sur l’occupation du territoire et l’hydrométéorologie nécessaires pour faire ces modélisations existent déjà et que leurs analyses pourraient également servir à appuyer d’autres démarches en lien avec la conservation des milieux humides et hydriques.