L’hiver qui ne veut pas finir a ses avantages. En cet après-midi frisquet de mars, le ciel de Québec est bleu et clair, sans nuages. « C’est parfait pour les satellites ! », s’exclame la professeure Monique Bernier, imaginant tous les engins spatiaux qui orbitent au-dessus de la ville à ce moment. Dans son bureau du Centre Eau Terre Environnement de l’INRS, la spécialiste en télédétection explique qu’il n’y a rien de mieux qu’un ciel bien froid et bien sec pour observer la Terre en lumière visible depuis l’espace.
Elle est la présidente du comité organisateur de l’International Geoscience And Remote Sensing Symposium (IGARSS) 2014, ou le Symposium international de géoscience et de télédétection, qui se tiendra conjointement avec le 35e Symposium canadien de télédétection du 13 au 18 juillet 2014 dans la Vieille Capitale. Le congrès de cette année fera une place toute spéciale aux questions énergétiques.
« C’est la plus grande conférence mondiale dans le domaine de la télédétection, continue la chercheure avec enthousiasme. Nous attendons près de 2000 participants de tous les coins de la planète. » L’évènement se déroule chaque année dans une ville différente, mais repasse en Amérique du Nord tous les trois ans. La candidature de la ville de Québec a eu l’honneur d’être retenue par la Geoscience and Remote Sensing Society d’IEEE en 2010. La Société canadienne de télédétection profitera d’ailleurs du congrès IGARSS 2014 pour tenir son 35e Symposium annuel. « En fait, explique Monique Bernier, les deux congrès seront complètement fusionnés. Ce ne seront pas deux congrès côte à côte dans des salles différentes, mais bien deux congrès en un seul. »
La télédétection se définit par l’observation de la Terre à distance. Surtout réalisée par des satellites et des avions, elle utilise des radars, des lidars – des lasers –, des caméras dans le visible, dans l’infrarouge et des capteurs thermiques ou micro-ondes… Ces différents appareils qui nous survolent pointent vers le sol des outils permettant la récolte de quantités faramineuses d’information. Des photos satellites de la Terre dans Google Maps aux images de recherche d’un avion qui s’est abîmé en mer en passant par la surveillance de la couverture de glace durant l’hiver, nous devons beaucoup aux satellites d’observation.
L’énergie, c’est plus que les changements planétaires
Il peut sembler surprenant que de tels satellites aient également un rôle à jouer dans nos décisions énergétiques. « Prenez l’hydroélectricité, propose Monique Bernier. Les capteurs micro-ondes de certains satellites permettent de cartographier l’abondance de la neige durant l’hiver. Cette information est pertinente lorsque vient le temps de choisir l’emplacement d’un nouveau barrage hydroélectrique. Une neige importante garantit de l’eau en abondance à chaque printemps dans les bassins versants qui alimenteront le futur réservoir. Sans compter que les images envoyées des satellites facilitent la gestion des réservoirs existants au moment de la fonte. »
Même chose pour l’exploitation pétrolière : non seulement les satellites contribuent-ils à cartographier les terrains à prospecter, mais ils peuvent aussi aider à mesurer les impacts sur l’environnement une fois l’exploitation commencée en permettant de mesurer l’efficacité des mesures d’atténuation.
Même l’éolien a besoin des données venues de l’espace. « Il est possible de cartographier les vents selon leur intensité, explique Monique Bernier. Le satellite RADARSAT-2, par exemple, explore la surface terrestre en envoyant des ondes radars vers le sol et en captant les échos qui lui reviennent. Si les ondes frappent la surface d’un lac calme, les ondes sont réfléchies dans une seule direction, comme sur un miroir, et ne reviennent pas au satellite. Par contre, si le lac est agité de vagues dues au vent, cette irrégularité de la surface de l’eau renvoie les ondes dans toutes les directions et une partie sera alors reçue par le satellite. RADARSAT-2 a une résolution de 5 cm, il est donc sensible même aux premiers frissons que le vent produit lorsqu’il se lève sur un lac. On peut convertir ses informations afin de connaître la vitesse et la direction des vents d’une région. » Et voir si l’implantation d’éoliennes peut être rentable.
Une multitude de domaines
L’énergie et notre Terre en mouvance, thème central du congrès IGARSS 2014, est aussi un appel à l’imagination des chercheurs pour identifier des solutions à une époque où les enjeux énergétiques, environnementaux et sociaux sont titanesques. La télédétection offre des possibilités inouïes pour nombre d’autres domaines : archéologie, biologie des océans et qualité des eaux, surveillance des zones humides, télédétection et éducation, glace de mer, permafrost, cartographie 3D. Autant de sujets au programme du congrès et qui en mettront plein la vue.
Photos aériennes ou images radars, relevés infrarouges ou micro-ondes, les satellites auscultent maintenant la Terre dans ses recoins les plus intimes et lui font livrer tous ses secrets. « Le congrès est l’occasion tant pour les gestionnaires des ressources, l’industrie (géomatique, optique, spatiale), les étudiants que les chercheurs de se mettre à jour sur toutes les avancées dans tous les domaines, conclue Monique Bernier. On en a bien besoin, car les technologies avancent vite. » À l’image des satellites qui les transportent!