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Dans sa forme normale, le virus de la mosaïque du papayer (PapMV) se présente sous la forme d’un bâtonnet long d’à peine 530 nm et s’attaque aux feuilles de certaines plantes. En aucun cas il n’importune les animaux. Pourtant, grâce à ce virus, une nouvelle avenue de traitement du cancer pourrait être développée. En modifiant le bâtonnet en nanoparticules non infectieuses, on parvient à stimuler le système immunitaire de souris de façon à réduire la progression des tumeurs et l’apparition de métastases. Le professeur Alain Lamarre a fait une habile démonstration de ce procédé dans un récent article de la revue Nano Letters.
Devant la complexité des cancers, les chercheurs ont fait le constat que l’attaque devait combiner plusieurs approches de traitement pour mieux les vaincre. C’est à partir de cette prémisse que le professeur Lamarre s’est intéressé aux virus de plantes, ou plus précisément aux nanoparticules apparentés aux virus de plantes (plant virus-like nanoparticles ou VLP). Certaines de ces VLP stimulent le système immunitaire, de telle sorte qu’elles peuvent avoir des effets thérapeutiques. Les nanoparticules de PapMV participent à la protection contre des infections, comme l’avait démontré son équipe à l’INRS, mais pourraient-elles aussi agir contre des tumeurs?
Testant cette hypothèse in vivo, les chercheurs de l’INRS ont déterminé qu’en interagissant avec le système immunitaire de souris, les VLP dérivés de PapMV entraînaient la production d’interféron-alpha, un messager du système immunitaire impliqué dans la lutte contre les virus… et contre les tumeurs. Les nanoparticules, sans autre artifice, activent les cellules immunitaires qui s’attaquent aux tumeurs. Résultat : chez les souris traitées avec les particules de PapMV, les tumeurs croissent plus lentement et le nombre de métastases est grandement réduit.
Revenant à l’idée que l’utilisation de plusieurs armes pourrait être bénéfique, le professeur Lamarre et son équipe ont associé leur VLP à un autre traitement afin d’observer s’il s’en trouverait renforcé. En combinaison avec un vaccin actuellement en développement clinique, activant lui aussi les défenses immunitaires, les VLP ont mené à un taux de survie plus élevé des souris qu’avec le vaccin seul.
Enfin, suivant un protocole distinct, l’équipe a associé les VLP à un autre traitement d’immunothérapie : l’utilisation d’anticorps pour bloquer une voie de signalisation cellulaire cruciale. Encore une fois, les deux traitements ont agi en synergie, améliorant les résultats de l’un ou de l’autre utilisé seul.
Les résultats de cette étude sont prometteurs non seulement en raison de l’efficacité des nanoparticules dérivées du PapMV, mais aussi en raison des nombreux avantages qu’elles présentent. Contrairement aux virus vivants utilisés dans certaines stratégies contre le cancer, les nanoparticules de PapMV ne représentent aucun danger ni pour le personnel, ni pour les patients. De plus, la toxicité des VLP étant pratiquement nulle, leurs effets secondaires identifiés jusqu’à présent sont minimes.
La polyvalence des VLP est également à considérer : elles peuvent facilement être modifiées pour transporter des éléments faisant partie d’une stratégie de traitement. Elles sont stables et sécuritaires pour la santé des patients et pour l’environnement.
À propos de cette publication
L’étude menée par le professeur Alain Lamarre et ses collaborateurs est parue le 18 février 2016 dans Nano Letters sous le titre « Potentiating Cancer Immunotherapy Using Papaya Mosaic Virus-Derived Nanoparticles » (DOI : 10.1021/acs.nanolett.5b04877). Les travaux de recherche qui y sont décrits, principalement réalisés par Marie-Ève Lebel, doctorante et premier auteur, ont été soutenus financièrement par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Chaire de recherche Jeanne et J.-Louis Lévesque en immunovirologie de la Fondation J.-Louis Lévesque ainsi que par le Fonds de recherche du Québec – Santé.
Image plus haut: Modèle 3D de la structure en hélice d’un virus de la famille du PapMV. Crédits : Thomas Splettstoesser, sous licence Creative Commons (CC BY-SA 4.0).
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