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Plus de 7 000 maladies rares ont été répertoriées à travers le monde et le trois quarts d’entre elles touchent les enfants. Au Québec, près de 500 000 Québécois en seraient atteints ou porteurs.
À l’occasion de la Journée internationale des maladies rares, apprenez-en davantage sur les travaux de deux professeurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pour mieux comprendre et traiter ces maladies génétiques.
Le professeur Stéphane Lefrançois, chercheur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), travaille sur la maladie de Batten, une maladie génétique et dégénérative rare qui affecte majoritairement les enfants. Il s’intéresse principalement à la forme la plus commune de la maladie, Batten CLN3, qui est causée par des mutations dans la protéine du même nom et pour laquelle il n’existe toujours pas de traitement.
Les enfants atteints viennent au monde sans symptômes et se développent normalement : ils apprennent à marcher, à parler et à interagir avec les autres. Ce n’est qu’entre 5 et 8 ans qu’ils se mettent à régresser physiquement et intellectuellement. « La première chose qui amène les enfants en clinique est une perte de vision due à la dégénération de la rétine. Il y a ensuite une régression cognitive avec des difficultés à parler et à se déplacer. Souvent, l’espérance de vie du patient ne dépasse pas 30 ans », rapporte le professeur Lefrançois, qui travaille sur la maladie de Batten depuis plus de 10 ans.
Avec son équipe à Laval, le chercheur étudie la biologie cellulaire de la protéine CLN3, afin de mieux comprendre sa fonction et trouver des cibles thérapeutiques. Il vient de mettre au jour un rôle clé de CLN3 – une avancée qui fait l’objet d’un article publié dans la revue Journal of Cell Science. En absence de la maladie, la protéine CLN3 assure l’acheminement constant des protéines vers l’endosome, un compartiment intracellulaire qui agit comme un centre de tri pour les différentes protéines dans la cellule.
« Dans ce processus cellulaire, il faut voir le récepteur comme un camion qui sert de moyen de transport aux protéines de l’appareil de Golgi, l’usine de production, jusqu’au centre de tri, l’endosome. Grâce à CLN3, ce camion retourne vers le Golgi pour ramasser d’autres protéines et ainsi de suite », explique le professeur Lefrançois.
« Or, avec les mutations, le camion ne retourne pas vers l’appareil de Golgi après avoir déchargé les protéines. Il va plutôt être dirigé vers les lysosomes où il sera détruit comme un déchet cellulaire », ajoute le chercheur.
Puisque le récepteur est dégradé, les protéines nécessaires au fonctionnement des lysosomes ne pourront pas être acheminées. Ces organelles ne pourront plus détruire les déchets cellulaires, alors ils vont s’accumuler et entrainer la dégénération cellulaire.
« On pense que le développement de l’enfant se fait normalement au cours des premières années parce que la cellule compense en créant d’autres “camions”. Éventuellement, elle ne serait pas capable d’en générer assez alors le système ne serait plus fonctionnel et commencerait à se dégrader », explique le professeur Lefrançois.
Le professeur Lefrançois collabore avec une équipe de chercheurs européens pour rétablir la fonction normale de la protéine CLN3 grâce à une molécule prometteuse. Ainsi, le récepteur ne serait pas dégradé et continuerait d’acheminer les protéines.
Dans le monde, on estime qu’une personne sur 100 000 serait atteinte de la maladie de Batten sous toutes ces formes.
Le professeur Kessen Patten, lui, s’intéresse à deux maladies rares liées à la perte de motricité : la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et l’amyotrophie spinale (SMA).
Ces maladies neurodégénératives s’attaquent aux neurones moteurs (ou motoneurones) responsables du bon fonctionnement des muscles. Elles causent la mort progressive de ces motoneurones et conduisent à la perte de l’usage des muscles, la paralysie et, ultimement, la mort. La SLA et l’amyotrophie spinale ont des symptômes semblables, mais la première touche les adultes alors que la seconde survient plus souvent chez les enfants.
Dans le laboratoire du professeur Patten, les étudiants testent des molécules thérapeutiques sur des modèles génétiques des deux maladies afin de déterminer lesquelles pourraient préserver ou sauver les motoneurones. « Trouver un traitement est extrêmement important puisque l’espérance de vie est très courte en général. »
Kessen Patten
Ses travaux utilisent des modèles de poissons-zèbres dont les gènes ont été modifiés pour exprimer les mêmes mutations que celles des deux maladies. « Les gènes responsables de la SLA et de l’amyotrophie spinale se retrouvent aussi chez les poissons et les vertébrés en général, alors c’est un bon modèle génétique », précise le professeur Patten.
Le chercheur et son équipe testent des centaines de molécules déjà approuvées en clinique pour combattre d’autres maladies afin de déterminer leurs effets sur les motoneurones, une technique connue sous le nom de criblage de médicaments.
« On les étudie ensemble puis séparément et, si c’est prometteur, on passe à un modèle comme la souris ou sur des motoneurones en culture provenant de patients. La prochaine étape étant l’essai clinique », explique le professeur Patten, qui est également membre du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines — Fondation Courtois (CERMO-FC).
Les modèles de poissons-zèbres servent aussi à mieux comprendre comment se manifestent les deux maladies à l’échelle moléculaire et cellulaire. « On connaît la fonction des gènes impliqués dans les deux maladies, mais nous ne savons pas pourquoi les mutations causent la mort des motoneurones », rapporte le professeur Patten qui dirige la nouvelle Chaire philanthropique Anna Sforza Djoukhadjian.
L’expert en génétique et maladies neurodégénératives poursuit ses travaux et espère découvrir des médicaments efficaces pour ces maladies rares encore pleines de mystères.
3 septembre 2024
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