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Réduire l’empreinte carbone en agroalimentaire grâce à la génomique 

6 septembre 2023 | Julie Robert

Mise à jour : 4 mars 2024

Un projet novateur en économie circulaire copiloté par la professeure Louise Hénault-Éthier reçoit 6,5 M$ du gouvernement du Canada et de nombreux partenaires. 

Projet interuniversitaire pour le développement de nouvelles approches pour réduire l’empreinte carbone du milieu agroalimentaire au pays.

Un projet de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l’Université de Montréal (UdeM), et de l’Université Western reçoit un financement d’un montant total de 6 545 706 $ pour réaliser des travaux menant à la réduction des sous-produits agroalimentaires et de leurs émissions de gaz à effet de serre. 

En une seule année, l’agriculture, les résidus alimentaires et la gestion de ces résidus produisent à eux trois davantage de CO2 que le transport de passagers au Canada. Face à ce constat, il devient nécessaire de développer de nouvelles approches pour réduire l’empreinte carbone du milieu agroalimentaire au pays.  

C’est donc dans un contexte de crise climatique que l’équipe, codirigée par les professeures Louise Hénault-Ethier (INRS) et Joan Laur (IRBV), s’est donné pour objectif de mieux comprendre et d’optimiser le processus de transformation des résidus organiques par les microorganismes. En d’autres mots : comment les sous-produits agroalimentaires ou les restants d’aliments sont-ils biodégradés par les microorganismes, les champignons ou les insectes qui s’en nourrissent ? 

Louise Hénault-Éthier, cochercheuse du projet, professeure associée et directrice du Centre Eau Terre Environnement de l’INRS.

Louise Hénault-Éthier, cochercheuse du projet, professeure associée et directrice du Centre Eau Terre Environnement de l’INRS.

« Il a été démontré qu’on pouvait réellement réduire l’empreinte carbone du système agroalimentaire, en faisant de l’économie circulaire qui s’inspire du fonctionnement naturel des écosystèmes. Nous voulons maintenant optimiser ces applications en utilisant la puissance de la génomique. »

« On a l’ambition d’optimiser des bioréacteurs à transformation naturelle, comme les champignonnières et les fermes d’insectes, déjà exploités par les agriculteurs urbains. Grâce à ce processus, on transformera les résidus en aliments ou en engrais », ajoute la cochercheuse Joan Laur, membre de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’UdeM.

Un laboratoire « vivant » au cœur de Montréal 

Dans un premier temps, la recherche se concentrera sur les réalités urbaines, avec un véritable laboratoire vivant à l’échelle de Montréal. Avec sa superficie de près de 500 km2 où on retrouve une douzaine de microbrasseries, près de 150 boulangeries et bien d’autres générateurs de matières organiques dispersés sur le territoire, Montréal était un lieu de prédilection pour ce projet. 

L’utilisation d’outils de génomique, donc liés à la structure génétique et à l’ADN, permettra aux scientifiques d’étudier les associations entre les microorganismes qui interagissent lors du processus de biodégradation. 

L’équipe travaillera en étroite collaboration avec de nombreux partenaires de l’économie circulaire, notamment des partenaires qui opèrent des bioréacteurs inspirés de la nature comme Tricycle, Mycelium Remedium et Compost Brome. L’objectif de cette recherche collaborative est de récupérer les résidus de matières organiques à différentes étapes de la chaîne agroalimentaire – une collaboration indispensable pour s’assurer de répondre aux défis actuels du milieu. 

« Avec cet octroi majeur, dont le moteur d’innovation est la génomique, cette grande équipe offre toute la force d’une expertise de pointe aux partenaires publics et privés qui souhaitent innover. Cette diversité d’approches démontre que la contribution interdisciplinaire est importante et qu’elle saura apporter des solutions aux défis environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui et de demain. » 

Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’INRS  

Au total, une vingtaine de chercheuses et de chercheurs provenant de quatre universités – Université de Montréal, INRS, Université Western et Université McGill – travailleront sur ce projet multidisciplinaire d’envergure, en collaboration avec près d’une trentaine de partenaires du milieu, soit en plus du Jardin botanique de Montréal et de l’IRBV, TriCycle, Mycelium Remedium, StillGood, Brome Compost, Blanc de Gris, La Ligne Verte, Vignoble de la bauge, Ville de Montréal, Cégep de Victoriaville, RECYC-QUÉBEC, Synergie Montréal, Fondation David Suzuki, Équiterre, Société pour la Nature et les Parcs – section Québec, Table filière des insectes comestibles du Québec, Invers, 3 Brasseurs, Boulangerie Jarry, Brasserie EtOH, Brasserie Harricana, LOOP, Collège Ahuntsic, et Parafilms. 

Plusieurs membres du corps professoral de l’INRS provenant de trois centres de recherche et de deux Unités mixtes de recherche (UMR) collaborent au projet et ce à différentes étapes : les professeurs Nathan McClintock (co-responsable de la compréhension des enjeux politiques lié au déploiement des grappes d’économie circulaire réplicables à travers le Canada, Activité 1), Louis-César Pasquier et Paul Célicourt (co-responsables de quantification et stockage du carbone, Activité 5), Eric Peterson (responsable de l’étape d’optimisation du processus de bioconversion et le développement d’outils microbiologique, Activité 3) et Étienne Yergeau (responsable de l’étape de caractérisation moléculaire du microbiome, Activité 2). Les professeurs Kokou Adjallé, Philippe Constant, et Richard Villemur apporteront également leurs expertises.  

À travers 6 activités, le projet vise à caractériser les gisements de matières organiques dans une grappe d’économie circulaire à Montréal, comprendre et optimiser le fonctionnement de 3 bioréacteurs générant des sous-produits organiques bénéfiques pour les cultures végétales. Des analyses de cycle de vie quantifieront notre compréhension de l’empreinte carbone de ce genre de système. Enfin, la formation d’un laboratoire vivant permettra de bien cerner les enjeux et de faire du transfert technologique pour permettre l’expansion de système circulaires à travers le Canada.

« Ce maillage entre le milieu de l’entrepreneuriat, des organisations structurantes et la communauté de recherche est un vrai moteur d’innovation. Il nous donnera l’opportunité d’identifier des solutions concrètes et de contribuer, ensemble, à la lutte contre la crise climatique. »

Louise Hénault-Éthier

Un financement pancanadien pour soutenir la recherche en génomique 

Ce financement a été obtenu grâce à l’initiative La génomique et l’action climatiqueProduction bioalimentaire durable et adaptée au climat, lancée par Génome Canada en mai 2022. Au total, ce sont neuf équipes interdisciplinaires qui ont été sélectionnées à l’échelle nationale pour mener des recherches de pointe en génomique

L’annonce de ce financement – qui cumule près de 70 millions de dollars –  a été faite aujourd’hui par l’honorable Greg Fergus, secrétaire parlementaire du premier ministre et de la présidente du Conseil du Trésor, à la Centrale agricole de Montréal, la plus grande coopérative d’agriculture urbaine du Québec.  

À la suite de leurs travaux, les équipes proposeront des innovations biotechnologiques permettant de réduire l’empreinte carbone des systèmes de production bioalimentaire du Canada. En plus des répercussions sociales et environnementales majeures promises par les travaux des équipes, on estime que plus de 36 000 emplois seront créés par ces initiatives durables.

Faits saillants  

  • Au Québec, 41 % des aliments sont perdus ou gaspillés (Réf. : Rapport de RECYC-QUÉBEC, 2022);  
  • Au Québec, 56 % des résidus organiques sont actuellement traités par compostage ou biométhanisation (Réf. : BILAN DES MATIÈRES RÉSIDUELLES DE RECYC-QUÉBEC), mais ces procédés ne permettent pas de réintégrer les aliments gaspillés directement dans la chaîne alimentaire;  
  • Au Québec, 161 381 d’émissions de tonnes de CO2 pourraient être évitées (réduction de 27 %) et 202 000 tonnes additionnelles de carbone pourraient être séquestrées dans les sols agricoles fertilisés si les déchets agroalimentaires étaient transformés par le compostage décentralisé (à hauteur de 10 %), la culture de champignons (5 %) ou d’insectes (5 %); 
  • Au Canada, 15 % des gaz à effet de serre (GES) proviennent de la production alimentaire, y compris le transport, la transformation et l’entreposage des aliments dans l’ensemble du système alimentaire (Réf.: Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), 2023). 

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